Elle pourrait revenir, paru début septembre 2025 aux éditions Seshat, est le deuxième roman de Delphine Vanden Bosch.
Il est disponible en format papier, et en format e-book.
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Avis lecture
Quatrième de couverture
Despriptif
Mathilde est complètement anéantie. C'est parce qu'elle a appris que l'homme qu'elle aimait avait eu une liaison avec sa soeur qu'elle a quitté le restaurant précipitamment, et c'est parce qu'elle a quitté le restaurant précipitamment que sa soeur a été renversée.
Elle est responsable...
Peu de temps après ce tragique évènement, Mathilde se met à entendre une voix qui fait naître en elle un espoir fou. Alors que d'autres troubles font leur apparition, Mathilde est en plein doute : peut-elle réellement changer les choses ?
Quel sombre secret se cache derrière cette quête désespérée dans laquelle se lance Mathilde ?
Extrait
Tout a commencé avec son décès… Tout : mes insomnies, mes migraines, mes crises d’angoisse et mes hallucinations.
J'ai trente ans. J'aurais aimé, à l'instar de tant d'autres femmes, me focaliser sur ces quelques signes de vieillesse, ces plis qui s’invitent lorsque je souris, ces fils blancs qui surgissent lorsque je relève mes cheveux. J'aurais même adoré me plaindre de ressentir, physiquement, le poids de l'âge – et être tellement persuadée que rien de pire que d'être désormais privée de nuits blanches sans maux de tête n'aurait pu m'arriver.
Mais ce trentième anniversaire reste associé à l'accident, à son décès et à la disparition de celle que j’étais.
Quelques mois plus tôt…
Les bras le long du corps et les mains, gercées, meurtries, presque bleues, j'ai le regard rivé sur mes sombres bottines : enfoncées de quelques centimètres dans la neige, elles disparaîtront bientôt sous une couche d'un blanc immaculé.
Je me sens comme dans une boule à neige que l'on a violemment secouée. Ma tête va exploser tandis que de gros flocons s'envolent et virevoltent autour des lumières de la ville et sous mes yeux. À l'instar des véhicules qui m'entourent, mon manteau, mon écharpe et mes mèches brunes sont désormais recouvertes de pellicules humides. Je ne me protège pas. Je laisse la nature, la belle nature, œuvrer et m'ensevelir comme je laisse le vent poser ses âpres baisers sur mon visage : sur mes oreilles et sur mon nez. Sans m'en soucier.
Immobile devant ce bâtiment, j’oublie le temps qu'il fait. Je ne pense plus à rien, ou plus qu'à ça. À la blouse blanche venue me rejoindre dans le hall d'entrée. Au regard compatissant, presque gêné, et à cette main qui s'est placée sur mon épaule. Mon esprit est hanté par les mots qui se sont succédé, ces mots que je ne voulais pas entendre, que l'on m'a imposés.
Je lève les yeux et aperçois les projectiles blanchâtres s'abattre sur moi telle une pluie de balles meurtrières – nombreuses et infatigables. Une punition divine que je n'aurais que trop méritée.
Le parking est plein, il n'en reste pas moins silencieux. Les voitures patientent et nombre d’entre elles sont recouvertes d’un épais manteau de flocons entassés. Comme laissées à l'abandon, elles attendent, immobiles, que quelqu'un vienne les chercher. Leurs propriétaires se trouvent-ils au chevet d'un être aimé ? Pleurent-ils, prostrés dans le hall d'entrée, un proche qui s’en est allé ? À moins que, insouciants et en paix, et dans le but de se promener, ces automobilistes n'aient simplement préféré nourrir le parcmètre de l’hôpital plutôt que de faire parcourir à leur véhicule les nombreux kilomètres nécessaires à la découverte d'une place récemment – et miraculeusement – libérée.
Je suis venue à pied ; en métro et à pied. Je ne possède aucun véhicule, pas même une petite poubelle dont le moteur hurlerait au démarrage ou dont le pot d'échappement râlerait à chaque accélération, à chaque vitesse passée, à la moindre occasion. Et qu'importe. Marcher, de chez moi jusqu’au métro, du métro jusqu’au centre hospitalier, ne me fait pas peur.
Ces déplacements sont terminés : sa chambre est vide et il n'y a plus personne à visiter.
Une perle glisse le long de ma joue et s'écrase bientôt sur le devant de ma pauvre chaussure. Lourdement, presque douloureusement, la goutte d’eau s'enfonce sous la couche blanchâtre qui recouvre désormais le cuir de mes deux bottines. Un petit, tout petit trou de neige fondue.
Cinq semaines de coma. Cinq semaines pour en arriver là.
Mes larmes, ces larmes qui ne voulaient pas encore couler, coulent désormais à flots. Ne plus la voir, ni l'écouter ; jamais. J'entends mon âme hurler à la mort comme le loup hurle à la lune.
L'envie de me débattre.
De tout arracher.
De tout déchiqueter.
Je secoue violemment mes deux pieds puis jette un dernier regard vers le bâtiment – vers la fenêtre de la chambre qui fut la sienne durant ces quelques dernières semaines – avant de me risquer à avancer. La forme de mes pas se crée tandis que la neige projetée s'étale à mes côtés. La vie semble continuer : les couples à se promener et les enfants à jouer. Un bonhomme de neige, récemment créé – pas encore amoché, ni par le temps qui passe, ni par les jeunes du quartier – traîne à ma droite. Il me regarde. Sa carotte me sourit tandis que sa belle et grosse écharpe rouge ondule au grès du vent.
Je ne m’en soucie pas.
Je poursuis mon chemin. Un chemin que j'ai parcouru chaque matin – dans un sens –, chaque soir – dans l'autre –, depuis le jour de l'accident. Un chemin que je saurais aisément exécuter les yeux fermés et que j'exécute, en cet instant, les yeux ouverts mais le regard bien vide. Le métro est quasiment désert. Je fais quelques pas et m'assois à l'extrémité de la rame. Je m'assois toujours à l'extrémité de la rame, là où je peux, perdue dans mes pensées, observer, dans la presque pénombre, les rails défiler et s'enfuir sous mes pieds.
J'ignore les hommes, les femmes et les enfants qui, au fil des stations, s'engouffrent à travers les doubles portes coulissantes. Je ne souhaite parler à personne. Le regard perdu, j'attends patiemment qu'une voix automatisée – une voix de femme – m'indique qu'il est temps pour moi de quitter la rame.
Les minutes s'écoulent, inlassablement, je m'engouffre bientôt dans mon appartement : un deux pièces au charme certain – si toutefois l'on considère que les quelques tâches brunâtres qui ornent les murs, que le parquet abîmé, que la moquette encrassée et que le carrelage craquelé puissent avoir du charme. Un espèce de deux pièces pitoyable, à l'état honteusement déplorable.
Cinq semaines de coma : cinq semaines que je ne nettoie pas.
L'appartement, dans son entièreté, est à plaindre et les vitres n'ont pas à rougir de leur état, face à la poussière qui traîne çà et là. Je ne m'en soucie pas. Qu'importe que la teinte des meubles, obscure ou éclatante, ne réapparaisse que lorsque mon doigt se prend à glisser sur leur bois. Qui pourrait m'en vouloir ?
Je balaye l'espace du regard et observe tristement la solitude de mon appartement. Nul ne m'attend sagement à la maison, ni mari, ni ami, ni amant. Je soupire. L'état de mon appartement a-t-il une part, même infime, de responsabilité dans cette triste affaire ? J'en doute, car s'il suffisait de vivre en un lieu aseptisé pour voir arriver l'homme de ses rêves, le ménage serait le plus chronophage de mes hobbies.
Le manteau sur le dos et les chaussures aux pieds je gagne le vaste et piteux canapé : des plus classiques, trois places, et de couleur chocolat. Oh ! un chocolat qui aurait vieilli et dont la perspective d'être englouti serait proche de zéro. Avec sollicitude, le divan m'invite à m'allonger. Il m'invite à ressasser les souvenirs, à me remémorer la soirée – celle où tout a basculé.
Je ferme les yeux, lentement, douloureusement, et remonte inexorablement le temps.